La table, révélateur de l’identité sociale, s’est transformée au fil des siècles et, si autrefois les banquets opulents désignaient la classe et si, il n’y a pas si longtemps, le caviar ou le homard étaient réservés exclusivement à quelques personnes, notre époque exalte les restaurants, des espaces honnêtes qui récupèrent la tradition, tels que La Tizná.
Mª Ángeles Muñoz Hornillo et José Antonio Barragán dirigent La Tizná sur la base d’une formation, d’une longue carrière dans le secteur et de tout l’amour que l’on peut mettre dans une cuisine.
Engagement et saveur
L’apparence du restaurant (et de la petite boutique, du garde-manger, de la maison de l’alimentation ou de la salle de petit-déjeuner), sa clientèle, le service et la proposition gastronomique présentent, dans l’ensemble, de grandes singularités.
Une poignée de tables occupent cette salle isolée, pleine de vins, de fruits, de fromages, de charcuteries et d’autres produits que les clients peuvent également acheter. On dirait une ferme en pleine campagne, locale et proche entre tuiles et miches de pain.
Nous sommes jeudi et les paroissiens de cette maison attendent l’ouverture, mais La Tizná est très animée et certains convives préfèrent attendre et même manger sur la terrasse avec la promesse d’une pluie naissante. C’est le premier indice de ce qui se passe ici.
Simple en apparence, La Tizná est pourtant une affaire très sérieuse. Le défi lancé par le covidé n’a fait que renforcer ce projet, qui a déménagé en 2021 au numéro 1 de la rue Camilo José Cela.
La cuisine de La Tizná
La première surprise, qui bouleverse et enthousiasme à parts égales, est que la table vous accueille avec une miche de pain, pas vraiment pour mettre en valeur vos paumes. L’huile, la tomate et les sauces et soupes à venir arroseront ce délice préparé par Domi Vélez.
Le menu fuit la rigidité et embrasse les classiques, en optant pour les légumes et les légumineuses qui définissent cette terre. Elle s’articule autour de trois grands axes : les tapas, de la campagne à la table et aujourd’hui je vais bien manger, son fleuron.
Telle est la devise d’une expérience qui, bien que basée sur le terroir, n’est pas conventionnelle à Séville et offre des bouchées inoubliables.
Comme le maripuri de morue, leur très savoureuse version du pani puri indien, infiniment moins grasse. Dans ce cas, il est fourré à la brandade de morue et présenté sur un lit de compote de figues et surmonté d’une hollandaise à l’estragon et à la moutarde. Une petite tapa qui justifie une visite.
Une autre de ses merveilles est l’ensaladilla de la Dolores, qui évoque magistralement la mère.
Elle est élaborée sur place -comme la mayonnaise- et étudiée au millimètre près pour compiler les quantités précises de pommes de terre, de petits pois, de carottes ou de maquereaux. C’est majestueux, comme nous l’avons dit, servi dans un verre doseur et c’est déjà devenu l’un de nos préférés dans la ville.
Le menu est largement consacré à la Méditerranée et à l’Andalousie, à son potager et à sa tradition. Un autre des emblèmes de leur menu est l’avocat biologique de Coín avec de la piricaña de Cadix, du chou et des radis marinés, de la roquette biologique de Huelva et de la vinaigrette au citron vert kafir. C’est un avant-goût rafraîchissant de tous vos plats plus copieux.
Consacrez-vous aux légumes de saison, au ragoût du jour ou à l’une des icônes de la maison – le poulet andalou et les œufs brouillés bio sont à l’affiche de la cuisine – comme si le temps s’étirait indéfiniment.
C’est ainsi que l’on mange à La Tizná, un long repas après le dîner, fait de coutumes (cuillère et recul, trempage des soupes, consommation de vin) et de saveurs profuses.
La durabilité, pour de vrai
Le sceau CAAE certifie que La Tizná peut se permettre de tenir un discours durable de bout en bout. En témoignent les journées de travail continues (qui favorisent le repos et la conciliation familiale) et les aliments frais et biologiques qui remplissent leurs assiettes, leur garde-manger et leurs vitrines.
Œufs et légumes d’El Viso, pommes de terre de Sanlúcar de Barrameda, avocats de Coín, huile d’olive d’El Saucejo,… L’origine est un goût et un répit, des ingrédients locaux qui construisent un livre de recettes andalouses avec le look avant-gardiste de cette équipe. Si vous souhaitez en savoir plus sur la recherche et l’origine de leurs produits, vous pouvez également consulter ce guide de leurs fournisseurs.
Une cuisine « non-stop », du petit-déjeuner à la fermeture.
Le dévouement avec lequel José Antonio arrange, sert et raconte chaque vin est remarquable. Les histoires qui se déroulent dans les caves, la production des bouteilles les plus spéciales ou la possibilité d’ emporter une référence directement de la vigne au verre.
La section des desserts, comme le reste du menu, convient aux cœliaques et aux intolérants au lactose. Près d’une douzaine de propositions qui gagneront un bon nombre d’adeptes.
Il y a un Solete, oui, mais La Tizná joue dans une autre ligue.
Celle qui met au centre de l’équation une cuisine biologique, saine et délicieuse, du petit-déjeuner à la fermeture (20h00). Celle qui défend la cuisine andalouse dans tous les sens du terme, cette nostalgie des saveurs de l’enfance sans renoncer à l’excellence.
La Tizná remplit, comme le disait Pardo Bazán, « les trois excellences de la bonne nourriture : qu’elle soit propre, abondante et savoureuse ».
Cérémonieux, proche, bon à s’en lécher les doigts. Une destination où l’on vient définitivement pour bien manger.