Albareda, une rue laconique à côté de la Plaza Nueva, possède une animation particulière. Là où se trouvait le mythique Zelai – une référence pour ceux qui ont vécu dans cette rue et qui a dû fermer ses portes – un projet se fait aujourd’hui une place sans chercher à cannibaliser le quartier. Gloria est un restaurant prometteur dirigé par le chef Jesús Maya, précurseur du défunt Enea, ce qui est une raison suffisante pour s’aventurer avec des plats qui respirent la cuisine sévillane d’avant-garde.
Ovejas Negras est à l’origine de cette entreprise qui, nous le confirmons, est à la hauteur de l’historique Zelai et pourrait bien se positionner parmi les meilleures ouvertures de Séville en 2025.
Le premier restaurant clandestin de Séville
Une pittoresque abacería vous accueille dans ce lieu, si vous souhaitez commencer par des vins en observant l’agitation de la mi-journée. Le plat principal, quant à lui, est caché derrière un rideau timide dont on ne penserait pas qu’il cache cet imposant bar gastronomique.
Tout un étalage de stimuli qui ne ressemble en rien à l’apparence de l’ancien restaurant. Gloria se pavane dans ce jeu de lumières, de musiques et de sons – le brouhaha de la clientèle, les départs et retours chantés par Jesús ou le crépitement des braises – et une carte des plus appétissantes .
Je suis un homme de bar, un point de vue d’où l’on peut regarder dehors et s’imprégner de l’atmosphère dans son ensemble. Au-delà du bar, il y a de petits bars en marbre et des tables basses, idéales pour les réunions d’amis devant l’immense baie vitrée à l’arrière du restaurant.
Talent, feu et recettes oubliées

Le menu de Gloria est dominé par la familiarité des saveurs dans des plats qui véhiculent une avant-garde retenue. L’autre grand protagoniste est le robata japonais qui préside la cuisine : un feu pur perceptible dans presque tout le contenu gastronomique du restaurant.
Il y a quelque chose dans la main (et dans les yeux) de Jesús Maya qui évite les stéréotypes en cuisine. Là où les techniques et les ingrédients familiers abondent, le chef puise dans le livre de recettes primitives, presque oubliées, pour les transformer en pièces délicates.
Pour commencer, l’ aguaillo de lechuga (salade de laitue ) se distingue, une ode aux travailleurs journaliers qui est en même temps une explosion rafraîchissante de saveurs et de textures. Tomate grillée, câpre, sardine et oignon font leur travail et préludent à des plats simples, compatibles avec l’émotion.
Leur version de la carbonara andalouse avec un voile de bajoue ibérique est une pure douceur : champignons de Paris grillés avec du lard et du jaune d’œuf. Les choses s’animent et le service de pain commence à se multiplier.

Gloria, vers une Séville gastronomique et créative
Le cœur du sujet arrive avec le merlu frit, coup de cœur de cette première visite, qui joue la carte d’une pavie de morue complexe. Les morceaux, d’abord en saumure, puis frits, reposent sur un beurre blanc qui, dans ce cas, est à base de manzanilla. Un plat rond, éloigné de la recette classique, capable de l’élever pour que la mémoire fasse le reste.
Quant au service, il est fluide malgré l’agitation, un brouhaha sans nom à travers lequel les plats sont filtrés avec le grill au premier plan. Car il n’est pas question de sauter ce bloc, qui comprend les savoureux ris de veau glacés, que Jésus laisse avec une sauce tartare à l’anis.
Les plats principaux des Mayas sont réconfortants et demandent toujours à être trempés dans l’eau. La soupe à l’oignon qui accompagne le taco de thon, bien qu’il s’agisse du plat le plus simple de tous.
Dans la même veine, elle clôt le voyage avec sa joue grillée à l’amontillado, qu’elle associe avec succès à une purée de patates douces rôties au beurre et à la vanille. Une transition aromatique vers le dessert.
Le dernier chapitre comprend quelques classiques : riz au lait, gâteau au chocolat ou leur fantastique flan à la vanille et à la crème fouettée. Une de ces finitions qui ne penchent pas trop vers le sucré, mais qui sont soyeuses et épicées.

Le palais de Maya est marqué sévillan sans cacher sa prédilection pour la francité et ses références gastronomiques. C’est une bonne nouvelle, si vous voulez mon avis, de sortir de l’ordinaire pour rendre la gastronomie sévillane plus compétitive, plus complexe.
Tout cela a d’ailleurs du sens lorsqu’il est soutenu par une équipe solide qui apprécie l’esprit de plaisir et s’engage à servir avec affection. Jesús explore les limites entre le banal et l’exquis dans cet énorme bar de 14 mètres où l’on peut s’asseoir longtemps.
Le plus beau : malgré les prolégomènes esthétiques qui suggèrent un prix moyen délirant, au Gloria, on peut manger pour 40 euros par personne.
